Une pédagogie vivante

 

Histoire du projet du fleuve Sabarmati

1964-2010, Ahmedabad, Gujarat, Inde

Cours d’eau, rivières, fleuves et océans, jardin public ou massif forestier, tous sont fragilisés ou consolidés selon la qualité de nos comportements individuels.

1964, Ahmedabad, 1 200 000 habitants.

Bernard Kohn, participant avec l’architecte BV Doshi, à la fondation de l’Ecole d’architecture d’Ahmedabad aujourd’hui devenue l’une des facultés du CEPT University (Center for Environmental Planning and Technology), soumet un projet d’aménagement des berges du fleuve Sabarmati qui traverse la grande métropole.

C’est à l’époque un projet tout à fait unique qui prévoit de rendre l’espace public le plus important de la ville accessible au plus grand nombre.

2000, la proposition est reprise. Elle est aujourd’hui en cours de réalisation mais l’intention initiale d’un projet profondément social se trouve largement modifiée vers un projet favorisant des aménagements de promotion immobilière.

2008 et 2009, les workshop Sabarmati à CEPT Bernard Kohn organise un atelier interdisciplinaire sur l'étude des 400 km du bassin de la rivière Sabarmati.

 

Le projet initial Juillet 1962-1968

Bernard Kohn organise un premier groupe de réflexion sur l’urbanisme et propose un projet d’aménagement sur 9 km des deux berges du fleuve.

Le projet prévoit de relever un barrage en aval pour le maintien d’un plan d’eau toute l’année tout en respectant les activités qui occupent en partie le lit du fleuve : maraîchers, retrait de sable, manifestations rituelles. De larges ghats, (terrasses en escaliers) successives sont prévues, la voirie est détournée, des constructions en nombre limité dans des secteurs strictement définis sont envisagées pour le financement de l’ensemble.

Le projet est validé en plus haut lieu, des études hydrauliques confirment la faisabilité, le barrage est relevé.

De 1969 à 1999, on continue de beaucoup parler du projet de Bernard Kohn, mais seuls les travaux nécessaires pour rediriger des eaux usées déversées directement dans le fleuve sont entrepris.

 

Evolution du projet 2000-2007

En 2000, l’architecte indien Bimal Patel s’engage pour plusieurs années dans la promotion du projet. Mais il en modifie profondément le sens et d’un projet à vocation sociale et culturelle, il évolue vers des dispositifs permettant l’implantation immobilière. Les plates formes deviennent un niveau unique soutenue par un mur de 8 m de haut sur presque 10 km. De larges voiries occupent les deux rives.

La porte est ouverte aux investisseurs.

Bernard Kohn accompagne les réalisations en tentant de réintroduire les objectifs sociaux et de sauver quelques accès au fleuve.

 

 

Les Workshops - Sabarmati 2008 -2009

Dans un objectif double, pédagogique et politique, Bernard Kohn met en place un atelier pluridisciplinaire au CEPT University d’Ahmedabad intitulé «Problématiques et potentialités écologiques des 400 km du bassin du fleuve Sabarmati».

Le pari est de fédérer l’adhésion de citoyens et d’universitaires et de réintroduire l’objectif prioritaire : «le fleuve pour tous».

Cela implique d’éliminer les voiries indispensables aux aménagements fonciers, de favoriser la fluidité et l’accessibilité entre les habitants des tissus denses de la ville et le fleuve.

Il est difficile au départ d’intéresser les autorités indiennes et françaises.

Cependant d’un seul atelier en 2008, le succès de la démarche auprès des diverses facultés de l’université : paysage, environnement, urbanisme, écologie... oblige à ouvrir huit ateliers pluridisciplinaires sur des thématiques diverses en 2009.

Des conférences publiques, des expositions accompagnent ces démarches.

C’est en Inde très innovant. Pour la première fois, une démarche éducative et politique signifie au grand public l’implication possible du monde académique dans la quotidienneté de la vie de la ville tandis que l’université sort de son cocon.

D’autres initiatives citoyennes et universitaires se joignent au projet. Un important article proposant la création d’une vallée écologique est publié par plusieurs journaux.

 

A suivre...

De ce projet de développement de la rivière, quel bilan peut-on retenir de la première proposition ?

Au tout début, ce projet entièrement orienté vers la création sur les deux rives du fleuve, de deux parcs naturels, chacun de dix kilomètres, était une idée totalement originale, inédite, voire utopique qui aurait permis aux habitants d'Ahmedabad, à tous les habitants, de bénéficier d'un environnement exceptionnel.

C'est un projet qui s'intégrait dans une vision écologique élargie des 400km de la vallée du Sabarmati.

Le projet était basé sur leur libre accès, ce qui militait pour l'absence de voiries longitudinales. Il répondait à une éthique d'équité sociale proche des idées de Gandhi.

Depuis l'Inde, comme le reste du monde, est totalement immergée dans l'hégémonie qui privilégie le développement économique favorable aux classes les plus aisées. Malheureusement sans critiques, les milieux professionnels répondent favorablement à cette réalité.

Et ce projet continue...
Pour en savoir plus, l'article A three-generation project: riverside development divides Indian city in The Guardian.

 

Quelles conclusions pouvons nous en tirer?

C'est évident, qu'au fil des années, une société en pleine évolution peut se diriger vers des sphères à l'opposée de ses débuts.

Les valeurs et éthiques du passé sont remises en cause.

Bien évidemment, des propositions urbaines d'une telle ampleur, prennent plusieurs générations pour se réaliser.

Dès les tous débuts, elles doivent recevoir l'accord de la société dans son ensemble ainsi celles des instituions publiques et privées.